Inspirée par les propositions de la convention citoyenne et issue de la loi Climat et Résilience de l’été 2021, Oui Pub annonce une grande (r)évolution dans le domaine de la publicité. L’interdiction de distribuer tout prospectus, journal ou catalogue chez les consommateurs qui n’ont pas apposé le sticker Oui Pub sur leur boîte-aux-lettres fait l’objet d’une expérimentation. Enjeux et décodage avec Eric Paumier, président du Syndicat de la Distribution Directe, également directeur général de Milee (anciennement Adrexo).
Il y aurait chaque année 800 000 tonnes d’imprimés distribués non sollicités en France, soit en moyenne 30 kg par foyer français. L’expérimentation Oui Pub, démarrée le 1er septembre sur 11 zones géographiques* entend remédier à cela. Prévue pour durer trois ans, cette phase test est menée exclusivement sur des territoires qui se sont portés volontaires. Elle concerne donc pour l’heure 2,6 millions d’habitants. Si Oui Pub entend lutter contre le gaspillage de papier en limitant la publicité non adressée, sa généralisation ne serait pas sans conséquences. C’est pourquoi cette première étape a pour objectifs d’observer l’impact du dispositif sur le gaspillage de papier, mais aussi sur la production et la gestion des déchets, sur le comportement des consommateurs et, bien entendu, sur l’emploi des secteurs concernés.
La disparition de l’imprimé publicitaire en questions
« Aujourd’hui, l’expérimentation Oui Pub concerne environ 3 % de l’activité des filières concernées – la distribution directe mais aussi la filière papier et les imprimeurs -, explique Eric Paumier, président du Syndicat de la Distribution Directe. Ce pourcentage équivaut à une perte estimée à 100 millions d’euros et 1 800 emplois. À terme, la disparition de l’imprimé publicitaire mettrait en péril 60 000 emplois, dont une majorité d’emplois précaires. »
On comprend dès lors pourquoi les salariés du secteur sont inquiets. C’est pourquoi le législateur a mis en place cette phase d’expérimentation et que les parties prenantes souhaitent que tout soit mis en œuvre pour une bonne compréhension des enjeux. D’autant que ces enjeux concernent aussi les consommateurs. S’ils ne collent pas le sticker sur leurs boîtes-aux-lettres, ils ne seront plus informés des promotions proposées par leurs enseignes habituelles.
« Il faut savoir que l’imprimé publicitaire est LE média du pouvoir d’achat, précise Eric Paumier. 60 % des contenus concernent les promotions à venir, sur des produits alimentaires et de grande consommation. S’ils venaient à disparaître, comment seront informés les consommateurs ? Quid de l’impact environnemental des solutions de remplacement ? »
Une pollution visible mais un média recyclable jusqu’à 7 fois
Sur les 894 000 tonnes d’imprimés distribués à l’année en France, une grande partie pourrait sans aucun doute être économisée. Des prospectus abandonnés dans le hall d’un immeuble sans même être lus, d’autres qui s’entassent dans la boîte-aux-lettres d’une résidence secondaire, c’est à la fois du gaspillage et une pollution visible et mesurable qui pourrait être évitée.
« Oui Pub, en tant que solution pour lutter contre le gaspillage répond aux enjeux environnementaux et, à ce titre, nous y sommes favorables, poursuit le DG de Milee. Mais cette expérimentation, pour être pertinente, doit être menée avec une forte implication des parties prenantes. L’avenir de ce média réside dans le taux d’utilisation du sticker. Or, quelques semaines après son lancement, le taux d’apposition du sticker est encore très faible dans beaucoup de zones. En Hollande, où un dispositif équivalent a été instauré il y a quelques années, la couverture s’élève à 30 % des boîtes-aux-lettres, ce qui est cohérent avec l’intérêt que les consommateurs portent à ce média. »
Rappelons que le dispositif Stop Pub a été adopté par environ 25 % des consommateurs tandis qu’une grande majorité d’entre eux n’est pas farouchement opposée à l’imprimé publicitaire. Les études montrent même que ce support est apprécié et que 81 % des lecteurs se rendent en magasin après avoir lu un prospectus. Plutôt que de l’éliminer totalement, « il faut réformer, sans doute mieux cibler et ainsi consommer moins de papier » ajoute Eric Paumier.
Une évolution à poursuivre pour une communication plus responsable
« Depuis 40 ans, la filière papier ne cesse d’évoluer : généralisation du papier issu de forêts gérées durablement, utilisation d’encres végétales, support qui peut être recyclé jusqu’à sept fois et, du côté de la distribution, les choses avancent pour réduire significativement les émissions de CO2. »
Si l’impact du papier est mesurable, la pollution numérique est, en revanche, encore mal évaluée. Quel serait l’impact sur l’environnement de milliers d’email, de newsletters et autres sms ou notifications qui viendront les remplacer ?
« Avec un taux de couverture de Oui Pub autour de 30 %, le média pourrait perdurer, conclut Eric Paumier. Les volumes d’imprimés seraient revus à la baisse et le support gagnerait en efficacité. L’imprimé publicitaire choisi peut accroître la valeur du média courrier, avec des campagnes plus ciblées, des courriers de gestion souhaités et non intrusifs. La boîte-aux-lettres sera alors un lieu d’échange d’informations souhaitées. Plutôt que de le supprimer, il s’agit de l’améliorer, de lui donner plus de valeur. C’est cela la révolution de notre métier. Pour y parvenir, il faut que chacun joue le jeu et que l’expérimentation Oui Pub soit correctement menée. Nous y sommes favorables et c’est pourquoi nous soutenons l’action de l’ADEME, qui fait tout ce qu’elle se passe au mieux. Peut-on tuer le média du pouvoir d’achat et accepter qu’avec lui disparaissent des dizaines de milliers d’emplois ?»
* Zone test actuelle de Oui Pub : Nancy (agglo), Sartrouville, Libournais (137 communes), Bordeaux, Agen (agglo), Ramonville, Valence-Royans-Basse Ardèche, Grenoble (agglo), Vallée de l’Ubaye (13 communes), Antibes (28 communes). D’autres Territoires démarreront l’expérimentation au 1er février 2023 (les agglomérations de Dunkerque, Troyes et la Corse)